Jadis, les villes se développaient le long des chemins de fer. D’où les promesses spéculatives portées par la réalisation des nouvelles lignes de métro du Grand Paris. Mais toutes les gares sont-elles promises au même avenir radieux ? Où investir ? Les betteraves valent-elles toutes de l’or ?
L’urbanisme du XXIème siècle est bien parti pour renouer
avec celui du XIXème où le chemin de fer incarnait la modernité et la vitesse,
dans un environnement dominé par le cheval. Les villes se développaient en
chapelet, au fil des nouvelles gares de banlieue, qu’elles soient dans le
Queens ou au départ de Saint-Lazare. Aujourd’hui, les vélos, skateboards et
autres véhicules prisés par les adeptes de la circulation dite
« douce », ont remplacé les chevaux, tandis que la voiture est
remisée au rang d’instrument d’un autre âge, celui du XXème siècle polluant.
L’accessibilité à l’emploi, clé du développement
Donc retour des gares et retour des spéculateurs qui misent
sur le développement futur des villes. Le Grand Paris, avec ses 68 nouvelles
stations de métro, fait office de champ d’expérimentation pour les urbanistes
et les startups comme Urban Morphology
Strategy, animée par Loeiz Bourdic. Son raisonnement ? les distances
spatiales n’ont pas grand sens ; ce qui est important est le temps
parcouru pour accéder à l’emploi. Pour étayer sa démonstration, il dessine une
carte de l’Ile de France en mesurant le nombre d’emplois accessibles à
partir d’un point en moins de trente minutes. En comparant cette carte à la
situation telle qu’elle sera en 2030, il montre que la mise en service des nouvelles
lignes du Grand Paris Express aura un impact direct sur l’attractivité
économique des nouveaux quartiers de gare. Mais, et c’est là que l’analyse est
intéressante, cet impact ne sera pas le même selon les lignes. Si la
prolongation de la ligne 14 est un puissant générateur de développement pour la
région, il n’en sera pas de même pour la ligne 16 qui traversera la banlieue Nord-Est
et dont la création générera des gains plus limités en matière d’accessibilité
aux bassins d’emplois.
On le comprendra donc, il n’y en aura pas pour tout le
monde : si les nouvelles gares du Grand Paris vont aimanter la demande,
toutes ne vont pas se développer de la même façon. Celles qui seront les plus
proches, en temps de transport, des bassins d’emploi d’aujourd’hui ou de
demain, ou qui formeront un nœud (une interconnexion), auront plus de chance d’attirer
de nouveaux habitants et tous les services qui vont avec, que les gares situées
en périphérie et où les durées de transition sont plus importantes.
Une France qui diverge vers l’inégalité des territoires
Cette approche dynamique du territoire est à rapprocher de l’étude
publiée par Gilbert Emont et Soazig Dumont*, de l’IEIF, établissant une
typologie des marchés du logement. Leur analyse montre que les villes de plus
de 100.000 habitants peuvent être rangées en cinq grandes catégories, selon leur
dynamisme démographique, leur économie
ou leur attractivité naturelle. Loin de tendre vers l’égalité des territoires,
l’étude montre que la France est hétérogène et que, selon la ville dans
laquelle vous vous trouvez, le marché aura des comportements
« dynamiques », « déclinants » ou « solaires »
pour reprendre leur terminologie.
Un raisonnement qui s’applique, à une échelle plus réduite,
à l’Ile de France dont ils soulignent la polarisation des espaces. Que vous
vous trouviez en banlieue Sud ou Est, le rôle joué par le logement
intermédiaire ou social ne sera pas le même, le poids de l’accession,
différent. Les douze « territoires » (regroupements de communes) qui
se sont constitués de manière plus ou moins spontanée au moment de la création
du Grand Paris, sont en voie de se spécialiser, certains misant sur la
sécularisation de leur parc immobilier du fait de sa densité, quand d’autres,
qui disposent de réserves foncières plus importantes, s’ouvrent au
développement et à la croissance de leur population. Au lieu de se niveler, les
territoires de l’Ile de France sont donc plutôt sur le chemin de la dispersion
et de la spécialisation.
Le big data pour éclairer les choix des aménageurs et des investisseurs
Les gares, pour revenir à elles, ne jouent pas
nécessairement un rôle moteur dans ces mouvements, mais elles vont en exacerber
les tendances au lieu de les corriger. D’où l’intérêt, pour revenir à ma
première remarque, de faire appel aux modèles économétriques pour éclairer les
choix des aménageurs, des promoteurs et des investisseurs. Le big data, l’exploitation
des bases de données, est ainsi appelé à jouer un rôle déterminant pour
expliquer, analyser et prévoir la complexité croissante des territoires et des
interactions qu’ils entretiennent entre eux.
*Gilbert Emont et Soazig Dumont, Marché du logement,
l’empreinte des territoires. Editions Economica, 2015.
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