Il est des postulats qui ont la vie dure. Celui qui veut qu’un budget
marketing soit fermé, c'est-à-dire inscrit dans le marbre pour les 365 jours
(366 les années bissextiles) de son existence, tient de la génétique. Pas si
simple d’y déroger.
Pendant des années, je me suis plié au jeu de rôle de la
négociation budgétaire. Les dépenses futures que l’on sait ne jamais engager,
les arbitrages qui n’en sont pas, les économies annoncées et les réserves
secrètes dans lesquelles on puisera le moment venu. L’année enfin démarrée,
j’ai suivi mes dépenses mensuelles au centime, j’ai serré les robinets au grand
désespoir des commerciaux assoiffés, bref, j’ai géré mon budget bien mieux que
celui de mon ménage. Et quand l’heure du bilan est venue, j’ai présenté mes
comptes en me réjouissant d’avoir su économiser et contribué ainsi, in
extremis, à la marge brute de l’entreprise. (D’ailleurs, à l’usage des chefs
d’entreprise qui liraient ces lignes, je leur rappelle que l’un des apports
économiques de la transformation digitale est la réduction des budgets
marketing qui, grâce au transfert de l’achat d’espace des médias traditionnels
vers la communication en ligne, leur ouvre la voie de la réduction des coûts,
sans licenciement. Soignez votre directeur marketing : il est le garant de
la paix sociale et l’ami des analystes financiers en mal de cost killing.)
Dépenser plus, c’est gagner plus
J’étais donc paisiblement installé dans mes certitudes quand
je tombe sur l’excellent blog de Bertrand
Bathelot qui nous annonce la fin des budgets fermés. Son
raisonnement ? Le marketing de la performance remet en cause le postulat
des budgets fermés. En matière d’e-commerce, les dépenses marketing génèrent
mécaniquement du chiffre d’affaires additionnel. A partir du moment où les
supports partenaires sont rémunérés au rendement ou au clic, « il est théoriquement possible,
écrit-il, de mettre en relation l’investissement marketing réalisé et la marge
générée par la campagne. » D’où l’idée d’un budget ouvert, sans limite
sauf celle de la rentabilité des actions par rapport aux dépenses engagées.
Dépenser plus, en quelque sorte, c’est gagner plus.
Rien ne sert d’accumuler des leads s’il n’y a plus rien à vendre
Ouvrir le budget marketing, ne plus lui imposer de plan
annuel, est donc tentant. Sauf qu’il y a une limite, celle de la capacité de
l’entreprise à livrer ses produits. Une limite évidente lorsqu’il s’agit
d’immobilier, marché dont on sait qu’il est dominé par l’offre. A ce jour (et
pour encore longtemps), c’est la production, la capacité des équipes de
développement à trouver des terrains ou des projets, qui détermine l’activité et,
par conséquent, les campagnes marketing à venir. Il ne sert à rien d’accumuler
des contacts (leads) pas chers, s’il n’y a plus rien à vendre sur un programme.
Mauvaise nouvelle pour le directeur marketing : il va
lui falloir continuer à négocier son budget marketing annuel.